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Au confluent
de l'art plastique et de l'infographie, les créations récentes
de Hubert Holtmann puisent leur double inspiration dans la dualité
fondamentale entre tradition et modernité. La méditation
métaphysique affleurant sous le quotidien dévoyé,
détourné, manipulé du Chantier, s'exprime
par exemple dans l'ouverture en trompe l'oeil de la façade
à droite de la toile... mais cet élan d'espoir,
figuré par un coin de ciel bleu virtuel, semble démenti
par l'abondance de signes linguistiques que l'on pourrait juger
prosaïques si l'artiste les maniait avec moins de chaleur,
de poésie même à l'occasion d'un lapsus volontairement
révélateur où " pressing " se mute
en " percing ". Car Hubert Holtmann, peintre jouissant
d'une solide formation technique, semble ne maîtriser les
canons de la représentation que pour mieux les subvertir,
dans la lignée des Surréalistes où de Jérôme
Bosch, mettant en échec, ou du moins en question, les règles
de la perspective euclidienne et du bon sens. En effet, la logique
de ses oeuvres n'est pas à rechercher dans leur confrontation
avec ce que nous nommons d'ordinaire le réel, mais à
l'intérieur même de chaque tableau ou série
de tableaux. Leur logique interne s'impose par la tension entre
le figuratif et l'abstrait, entre les éléments exécutés
avec une précision hyperréaliste et d'autres évoquant
un état psychédélique et la systémique
évidente de cette polarité nous renvoie sans cesse
à nos multiples réalités. Ainsi en va t il
de la vaste série intitulée Délivrance. Comme
un polyptyque démembré, les sept toiles se succèdent,
interrogeant tour à tour les origines cosmiques de notre
création, le sens de la vie, la rémanence de notre
lien à la terre, la survivance de la mémoire, la
possibilité d'un au delà idéal, la dissolution
des apparences et le retour à la simplicité primordiale
de nos particules élémentaires. Délivrance
est une oeuvre subjective car Hubert Holtmann y peint Avignon,
la ville qu'il aime depuis vingt ans, parce que les espoirs et
les angoisses métaphysiques qu'il y dévoile ont
été provoqués par des circonstances liées
à son expérience personnelle, mais simultanément,
Délivrance échappe à la subjectivité
de son auteur car elle s'exprime sur le mode de la métaphore.
Le spectateur y découvre une symbolique complexe et élaborée,
où le simple canard du Rhône retrouve son antique
valeur sémantique en tant que représentation de
la force vitale, où l'arbre des berges est réinvesti
de sa plénitude de sens tantôt comme arbre de la
vie ou de la connaissance, tantôt condamné à
l'image de l'homme à demeurer ancré dans la terre
tout en tendant obstinément vers le ciel.
Après avoir exposé non sans succès ses premières
oeuvres dans les années 1980, Hubert Holtmann a exploré
diverses voies d'expression. De ses pérégrinations
entre la palette, le four , l'appareil photo et l'ordinateur,
il est sorti victorieux et ses réflexions existentielles
peuvent aujourd'hui s'exposer dans toute leur plénitude
grâce à une technique personnelle parvenue à
maturité. Plus que des tableaux produits par une technique
numérique, ce sont ses réflexions picturales, graphiques
et spéculatives que nous livre aujourd'hui Hubert Holtmann
et c'est en cela que son oeuvre devient art.
Avignon, le 25 juin
2002
Béatrice Laurent
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